La méthode « startup » : trier le bon grain de l’ivraie

Dans « startup d’État », il y a « startup » (merci Captain Obvious). Cela sème parfois la confusion et nous sommes obligés d’expliquer que ce sont seulement les méthodes des startups que nous utilisons, mais que nos produits sont fait par l’État et pour l’État (ou plutôt pour ses concitoyens).

Est-ce que cela veut dire que nous reprenons exactement le fonctionnement des startups ? Évidemment non. Nous nous efforçons de n’en garder que les meilleurs aspects, et d’en retirer les moins bons.

Ce que nous avons garder :

1/ La responsabilité et l’autonomie. Dans une startup, il y a beaucoup plus de boulot que d’employés pour le faire. Des juniors se retrouvent ainsi lead développeur ou jonglent parfois entre trois casquettes différentes. Et de toute façon, personne n’a le temps de micro-manager parce que la levée du fond met du temps à arriver et que la trésorerie est bientôt dans le rouge. Le seul moyen pour que cela fonctionne, c’est de recruter des personnes talentueuses, de leur donner un objectif et de les laisser faire leur travail en autonomie.

2/ Produit minimum viable et déploiement continu. Pour s’assurer de la justesse de leurs hypothèses, les startups sont obligées de sortir très rapidement la première version de leur produit. Et pour s’assurer que le produit est d’une qualité exceptionnelle pour les clients, il est indispensable de le modifier rapidement et régulièrement pour prendre en compte leurs retours. Cela a des implications techniques car il faut être capable de tester et de déployer du code facilement et automatiquement.

3/ L’importance de la culture. Chaque startup affiche fièrement sa mission, sa vision, ses valeurs, etc. C’est aspect culturel peut sembler trivial mais dans un contexte où les nouveaux arrivants sur le marché du travail sont plus que jamais en quête de sens, avoir une culture forte est un élément différenciant important. De plus, vu la croissance rapide des jeunes pousses, il est nécessaire de se mettre d’accord dès le départ sur une culture commune, afin de garder une certaine stabilité une fois que le nombre d’employés aura été multiplié par dix ou par cent.

Nous ne sommes néanmoins pas naïfs et la culture startup peut avoir des aspects toxiques que nous faisons tout pour ne pas importer.

a/ Le présentéisme. Comme il y a beaucoup de travail, les employés des startups ont tendance à faire beaucoup d’heures. À tel point que dans certaines discussions entre employés, il n’est pas rare d’assister à des batailles pour savoir qui a fait le plus de nuits blanches ou qui a travaillé tout le week-end. Dans la fonction publique, le travail qui doit être fait est fait mais nous avons des horaires normaux, qui nous permettent de profiter des autres aspects de la vie, comme sortir avec ses potes ou passer du temps avec sa famille. De toute façon, les gens reposés travaillent mieux !

b/ Le côté boys’ club. Dans certaines boîtes, la culture peut être assez misogyne, avec une équipe dirigeante qui ressemble parfois à un BDE d’école de commerce. De plus la culture “bro” présente dans le milieu de la technologie peut s’avérer inhospitalière pour certaines personnes. Sans virer dans le côté social justice warrior, nous faisons en sorte que chacun et chacune se sente à sa place au sein de notre incubateur.

c/ Le design centré revenu. Quand une entreprise doit choisir entre ses clients et sa rentabilité, il est très difficile de choisir les premiers au détriment du second. En même temps, il faut bien continuer à payer les salaires. Mais parfois le problème est encore plus complexe : les clients et les usagers du produit ne sont pas les mêmes. Pour toutes les startups sur le crédo de l’économie de l’attention, le client est celui qui achète l’attention alors que l’usager est celui qui la fournit. Du côté du secteur public, même si les bureaucrates veulent évidemment créer des produits qui leur facilite la vie, plutôt que celle des usagers, il est quand même possible de faire du design vraiment centré sur l’utilisateur.

Comme dans toutes choses, il y a à prendre et à laisser dans la culture et les méthodes des startups. Et qui sait, peut-être qu’un jour ce sont les startups qui s’inspireront de la culture et des méthodes des startups d’État ?

Article publié à l’origine sur Medium.