Trouver la bonne distance pour un département d'innovation

« Première vitesse cosmique : vitesse minimale qu’il faut communiquer à un corps, au départ de la Terre, pour le satelliser autour d’elle en orbite basse. » (source : Wikipedia)

Selon la force avec laquelle vous lancez un objet depuis la Terre, trois choses peuvent se produire : soit il retombe sur Terre, soit il part dans l’espace indéfiniment, soit il rentre en orbite. Tout est une question de dosage.

De la même manière, un département d’innovation rattaché à une grande organisation a besoin d’être situé à une distance optimale. Trop loin, il est hors-sol et ses projets ont du mal à être réintégrés une fois sortis de la phase d’incubation. Trop prêt, il est écrasé par le poids de l’organisation mère et ses projets ne peuvent pas être développés avec suffisamment de liberté et perdent donc de leur intérêt.

La bonne distance est celle où le département d’innovation est en orbite autour de la grande organisation. Assez loin pour qu’une culture différente se développe à l’abri des règles établies. Mais suffisamment proche pour que tout le monde se souviennent que nous sommes après tout dans la même équipe et que nous poursuivons les mêmes objectifs.

La recette idéale pour qu’un département d’innovation soit situé à la bonne distance ? Des processus adaptés, des équipes mixtes et un lieu dédié.

1/ Des processus adaptés

Pendant des décennies, l’organisation mère a certainement établi des règlements pour faire ce que font de mieux les grandes organisations de l’ère industrielle : optimiser leur productivité. Ces règlements qui définissent précisément comment chaque chose doit être faite risquent d’étouffer les projets d’innovation. C’est leur rôle.

Le département d’innovation doit donc bénéficier d’une dérogation, si possible explicite et signée par les responsables, afin que ses projets soient développés dans une sorte de bac à sable qui échappe en partie à ces règles strictes. Cependant, il faut aussi prévoir un plan pour que les projets puissent être réintégrés et que les règlements se ré-appliquent, une fois les projets matures.

Pour nos startups d’État, le guide « Agilité et sécurité numérique », co-écrit par l’ANSSI et la DINSIC, nous permet par exemple de prendre en compte la sécurité de manière plus agile. La méthode plus classique, consistant à produire des centaines de pages de documentation, est peut-être adaptée aux systèmes critiques mais pour des applications destinées au grand public, mieux vaut se concentrer sur l’acquisition d’utilisateurs, tout en ayant un plan dès le départ pour renforcer la sécurité au fur et à mesure.

Ces deux méthodes ne sont d’ailleurs pas incompatibles car une fois les projets suffisamment matures, nous repassons sur ce mode plus classique.

2/ Des équipes mixtes

Concernant les ressources humaines, il est fondamental d’avoir une partie de l’équipe qui ne viennent pas de la maison mère afin d’avoir une vision fraîche et naïve, car même avec une dérogation, certaines règles restent ancrées dans notre tête. Ces personnes venant de l’extérieur sont aussi une garantie d’être à l’état de l’art, par rapport à ce qui se fait dans l’univers des startups ou des entreprises technologiques.

Tout aussi important, nous avons besoin de gens de l’intérieur qui connaissent la politique et les rouages de l’organisation, qui possèdent un réseau d’alliés bienveillant. En mélangeant tout ça, le résultat est incroyable !

Les startups d’État sont basées sur ce concept : les équipes sont composées d’un intrapreneur, souvent accompagné d’un adjoint, et d’indépendants recrutés pour l’occasion, des experts de haut niveau (développeur, designer, …) qui connaissent le monde réel. L’équipe permanente de l’incubateur fait prendre cette mayonnaise, et s’implique dans la vie des projets.

Nous évitons par contre les consultants car nous voulons que tout le monde fasse partie de la même équipe et se sente impliqué. Et cela n’est possible qu’avec des intrapreneurs ou des indépendants qui ont leur réputation en jeu #skininthegame.

3/ Un lieu dédié

Même si nous travaillons sur des projets numériques, en tant qu’humain nous avons besoin d’un espace physique pour vivre et travailler. Ici encore, pour qu’un département d’innovation fonctionne, il ne doit être ni trop loin, ni trop près. In medio stat virtus, la vertu est au milieu, comme disent les Anciens.

Il faut donc un lieu dédié, séparé physiquement de l’organisation, afin de pouvoir y bâtir une nouvelle culture. Cependant ce lieu doit être géographiquement proche, pour garder une connexion forte et pour que les échanges soient aisés.

Encore une fois, nous sommes gâtés : nos locaux sont à 10 minutes à pied de notre base, nous avons du Wi-Fi rapide, du bon café et un baby-foot (signé par la ministre). Dans les startups, ce genre d’avantages sert surtout à faire rester les salariés plus longtemps le soir sans les payer plus.

Dans une administration, cela peut paraître futile et inadapté, surtout par rapport aux conditions de travail pas toujours évidentes d’autres agents. Seulement ce genre de dispositif envoie un signal fort pour dire qu’ici nous faisons les choses différemment. Et c’est cela le réel objectif d’un département d’innovation : créer un nouvelle culture, par l’exemple.

Article publié à l’origine sur Medium.