Cinq choses que j’ai apprises en lançant l’incubateur du ministère des Armées

J’ai quitté le ministère des Armées la semaine dernière. J’y ai passé trois ans et j’y ai beaucoup appris. Notamment cinq leçons que je voulais partager ici. Rien de révolutionnaire, c’est surtout du bon sens. Mais le quotidien nous fait parfois oublier le bon sens.

«L’échec n’est pas une option »

À mon arrivée, c’était la devise de la DSI à laquelle j’étais rattaché. Je voyais cette phrase tous les matins et je me disais que ce n’était pas gagné. En effet, je venais pour lancer l’incubateur du ministère des Armées. L’objectif ? Développer des produits numériques pour l’ensemble du ministère, en utilisant les méthodes à l’état de l’art dans les startups : agile, lean startup, DevOps…

Leçon n°1 : il faut la bonne équipe. J’étais seul au départ. Seuls, nous allons plus vite. Mais il n’y a qu’en équipe que nous pouvons construire des produits d’envergure. J’ai donc consacré beaucoup d’énergie à recruter des développeurs, des designers et des product managers pour avoir la bonne équipe. Une bonne équipe, c’est un mélange. Un mélange d’expertise technique et de qualités humaines, comme l’humilité, la curiosité ou l’autonomie. Mais l’ingrédient magique qui permet à des personnalités différentes de s’entendre, c’est une culture partagée.

Leçon n°2 : il faut la bonne culture. Pour recruter des personnes exceptionnelles alors que rien n’existe, il faut d’abord établir une vision claire de là où nous voulons aller. C’est cette vision qui m’a permis de les convaincre de rejoindre l’aventure. Au fur et à mesure, nous avons étoffé cette vision de nouvelles valeurs et de nouveaux principes. Quand de nouvelles personnes nous rejoignaient ou que nous apprenions de nouvelles choses sur notre environnement. J’ai déjà beaucoup écrit à propos de cette culture : se concentrer sur les problèmes, parler aux utilisateurs, avoir de l’autonomie… Elle nous a unis et nous a permis d’avancer dans la même direction. Grâce à la culture, tout le monde prend les bonnes décisions, sans carotte ni bâton.

Leçon n°3 : il faut savoir persister. La culture permet également de garder le cap quand les choses prennent du temps. Elles peuvent en prendre dans une organisation de presque 300 000 personnes… En 2017, j’imaginais qu’un logiciel développé par une administration pourrait être utilisé par d’autres, en SaaS. En 2020, nous avons vendu la première « licence » du logiciel de recrutement que nous avons développé. Niveau DevOps, nous avons mis au point une chaîne d’outils solide sur Internet. Sur l’intranet du ministère des Armées, c’est une autre histoire. Le chantier débute seulement malgré le lobbying que j’ai commencé dès mon arrivée. Pour les idées qui valent la peine, il faut être patient, ou plutôt persistant. Agir dès maintenant et continuer jusqu’à ce que notre vision se concrétise, même si cela prend des années.

Leçon n°4 : il faut aussi savoir arrêter. À l’inverse, il y a des choses qu’il faut accepter d’arrêter. C’est difficile quand nous sommes passionnés. Mettre à la poubelle ce que nous avons passé du temps à construire ? Plus facile à dire qu’à faire. Je me suis par exemple battu pour qu’un de nos produits continue alors qu’objectivement il aurait mieux valu l’arrêter (et sans doute même ne jamais le commencer). Je me disais que nous étions si près du but qu’il était dommage d’arrêter. Sauf que le produit a continué à nous prendre bien plus de temps et d’énergie que prévu. Pour lutter contre cela, mieux vaut agir à tête reposée, avant même de commencer quoique ce soit. Quand nous avons encore de la volonté. Avec des règles simples mais strictes (comme refuser les produits que personne ne portent) et des critères d’arrêt définis à l’avance (par exemple un nombre minimum d’utilisateurs atteint après un certain temps), il est possible de lutter contre notre aversion aux coûts irrécupérables (sunk cost fallacy).

Leçon n°5 : il faut beaucoup communiquer. Enfin, j’ai appris que sortir de bons produits ne suffit pas. Au lancement de la Fabrique numérique, j’ai fait le choix de construire avant de communiquer. Faire des produits, plutôt que des annonces. Le problème c’est qu’en se concentrant trop sur les produits, il est facile d’oublier la communication. J’aurais dû y mettre plus d’énergie afin que plus de gens nous connaissent. Sur le long terme, c’est un élément clé. La communication, qu’elle soit externe pour se faire connaître, ou interne pour aligner les équipes est un élément fondamental.

Une bonne équipe. Une bonne culture. Persister ou arrêter. Communiquer. Des choses simples mais dont il faut se rappeler au quotidien. Voilà ce que j’ai appris, ou révisé, pendant ces trois ans. Merci à celles et ceux qui ont partagé ce bout de chemin avec moi.

PS : je vais arrêter pendant quelque temps de publier du contenu, le temps d’apprendre de nouvelles choses que je pourrai partager. À très vite !