Des théories du complot invasives

En 1859, un britannique importe des lapins en Australie pour le lol et parce qu’il aimait bien chasser. Sauf que des lapins se sont échappés et qu’en l’absence de prédateurs, il y en avait 600 millions sur le continent cinquante ans plus tard. Moins lol.

Les lapins en Australie sont une espèce qualifiée d’invasive : ils ont été parachutés dans un environnement dans lequel ils sont en quelque sorte trop bien adaptés. L’évolution n’a pas le temps de faire son lent travail de régulation et tout un écosystème se retrouve déséquilibré.

Si les mèmes se propagent grâce aux idées comme les gènes à travers les êtres vivants, peut-être existe-il également des idées invasives ? Des concepts qui se retrouvent un jour trop bien adaptés, pas parce qu’ils ont évolué mais parce qu’un nouvel environnement est apparu brutalement, dans lequel ils n’ont aucun prédateur.

Les théories du complot ont sans doute existé depuis des millénaires, évoluant tranquillement par le bouche à oreille, puis par des moyens de communication locaux. Sauf que depuis quelques années ces théories se propagent beaucoup plus vite et auprès de beaucoup plus de monde. Nous avons, avec internet, construit sans le vouloir un environnement trop favorable à leur propagation, perturbant ainsi notre écosystème informationnelle.

En quoi l’environnement actuel est-il propice aux théories du complot ? À cause de la manière dont sont construits les algorithmes de recommandation des réseaux sociaux comme Facebook ou YouTube. Pour ces algorithmes, un bon contenu est un contenu qui fait rester longtemps les utilisateurs sur le site. Comme les contenus complotistes ont tendance à rendre certaines personnes accros et à leur faire passer du temps sur ces plateformes, ils sont recommandés massivement par les algorithmes.

Pour essayer de résoudre le problème des lapins, les autorités ont d’abord tenté d’ériger des barrières pour stopper leur propagation. Puis elles ont introduit des renards qui n’ont fait qu’empirer la situation. Elles leur ont enfin inoculé la myxomatose et plus récemment la maladie hémorragique du lapin, avec plus de succès (côté humain, pas côté lapin).

Réparer les écosystèmes est infiniment plus compliqué que les perturber. Espérons que cela se passe mieux concernant les algorithmes qui recommandent des théories du complot.

Article publié à l’origine sur Medium.