Accepter d'arrêter

Vous travaillez sur un projet depuis un an. C’est un peu votre bébé. Vous avez dépensé des milliers d’euros et passé des centaines d’heures en réunion pour le lancer. Le projet sort. Personne ne l’utilise. Vous l’améliorez. Toujours personne. Êtes-vous prêt à tout stopper ? À expliquer à vos chefs qu’il vaut mieux arrêter ?

En tant qu’humain nous détestons les coûts irrécupérables (sunk cost) : quand nous (nous) investissons dans quelque chose, financièrement ou sentimentalement, nous préférons continuer d’investir plutôt que d’admettre qu’il serait parfois plus sage d’arrêter.

Est-ce programmé dans nos cerveaux à cause de l’évolution ou est-ce le fruit de notre culture ? Aucune idée. Mais ce que je sais, c’est qu’il est plus facile de lancer un projet que de le tuer.

Quelles implications pour l’innovation publique ?

1/ D’un point de vue structurel, il faut créer des moments où nous pouvons nous poser et regarder si la meilleure chose à faire ne serait pas d’arrêter. Le mode de financement des startups d’État est intéressant à cet égard : tous les six mois, il faut redemander un financement et donc choisir si nous poursuivons ou pas.

2/ D’un point de vue culturel, il faut rappeler encore et toujours que ce n’est pas grave. Oui il s’agit d’argent public, et nous préférerions ne pas nous être trompé. Mais n’est-il pas mieux d’avoir dépensé un peu d’argent public et appris une leçon que nous partagerons, que d’en dépenser beaucoup pour un échec cuisant que nous essaierons de camoufler ? Quel est le meilleur chemin vers le progrès ?

3/ D’un point de vue produit, c’est la raison pour laquelle nous n’attendons pas que sorte le « super projet qui fera tout d’ici quelques années », même s’il cela crée de la redondance. Car combien de gros projets n’existent encore seulement parce que personne n’a eu le courage de les arrêter ?

Pour nous en sortir, la question que nous devons nous poser est la suivante : si un inconnu me donnait ce projet, gratuitement, est-ce que je l’accepterais ? Si la réponse est non, vous savez ce qu’il vous reste à faire.