Une histoire lean (2/2)
La semaine dernière, j’évoquais dans cet article l’histoire de NUMMI, une usine de construction automobile gérée par Toyota et General Motors (GM). GM découvrait alors la recette magique permettant de décupler la qualité de ses voitures. Cependant cette nouvelle méthode n’a pas été généralisée. Nous allons découvrir ici pourquoi.
La première raison, c’est qu’une transformation lean doit être globale, sur toute la chaîne de valeur.
Les employés de GM ayant visité les usines japonaises dans les années 1980 se sont toujours demandés pourquoi Toyota était si transparent. Jusqu’à ce qu’ils réalisent bien plus tard que faire du lean va bien au-delà des usines. Cela nécessite d’avoir un système où tout le monde va dans la même direction.
À NUMMI par exemple, la majorité des pièces proviennent du Japon et sont de bonne qualité. La pratique de l’amélioration continue fait que s’il y a un problème avec une pièce, le problème remonte et est résolu. Tout le monde travaille ensemble.
Au sein de GM par contre, tout est compartimenté. En silos. Chaque département « balance par-dessus le mur » ce qu’il a produit et passe à autre chose. La méthode Toyota ne peux donc pas fonctionner dans l’environnement GM. Même quand les équipes des chaînes de production mettent toute leur bonne volonté, certains problèmes restent insolubles à cause du manque de collaboration. De quoi ruiner le moral de tout le monde…
La seconde raison, c’est qu’une transformation profonde nécessite un sentiment d’urgence.
Une usine détenue par GM, celle de Van Nuys, va tester le système Toyota. Contrairement à l’usine de Fremont, cette dernière n’a jamais été fermée. Et personne ne croit aux menaces de fermeture. Les employés sont formés en deux semaines et la mayonnaise ne prend pas. Le nouveau système est vu comme une menace. Les salariés et le management refusent en bloc la méthode. L’usine Van Nuys finit par fermer et plus de deux milles personnes perdent leur emploi.
De manière plus générale, le groupe ne se transforme pas car ses ventes diminuent de manière progressive. Jusqu’au choc. En 1992, l’entreprise fait plus de vingt milliards de dollars de perte. Le nouveau PDG impose alors la méthode Toyota au groupe. Au début des années 2000, ce changement est enfin en place et GM produit des voitures de la même qualité que Toyota. Sauf qu’il est trop tard.
Le constructeur fait faillite en 2009. General Motors se retire de NUMMI. Toyota ferme l’usine. Tesla la rachète l’année suivante, pour y construire ses premières voitures électriques. La fin d’une époque ; le début d’une autre.
14 janvier 2021