Le fond et la forme ; le papier et l’écran

Quand un texte est imprimé sur du papier, c’est pour y rester. C’est d’ailleurs assez agréable d’ouvrir un livre de notre bibliothèque et de constater que son contenu n’a pas changé par rapport à nos souvenirs.

Quand un texte est enregistré sur un ordinateur par contre, il reste toujours modifiable. Certes, ils existent des moyens complexes pour essayer de bloquer ces modifications, mais ce n’est pas « naturel ». Tout sur un ordinateur est censé être variable.

Les écrans sont faits pour le mouvement, avec leurs pixels qui changent de couleur sans cesse, là où les gouttes d’encre sont fixées sur le papier à tout jamais. Cela ne veut pas dire que le monde du papier est mieux que le monde de l’écran. Simplement, ces deux médias n’ont pas les mêmes propriétés et devraient être utilisés différemment. Mais comme le papier est apparu bien avant, certaines utilisations de l’écran sont seulement des transpositions d’un univers à l’autre et ne prennent pas en compte les différences entre les deux.

Dans le monde du papier, le fond et la forme ne font qu’un. Quand nous écrivons sur une feuille, nous choisissons simultanément nos mots, mais aussi la manière dont ils s’agencent dans l’espace. La forme des lettres, l’espacement entre les mots ou la largeur des marges découlent de nos choix (souvent implicites).

Dans le monde de l’écran, le fond peut être complètement séparé de la forme. Même si cela n’est pas forcément visible pour ceux qui n’utilisent que des logiciels de traitement de texte, les développeurs eux sont habitués à écrire le code de cette manière. En langage HTML par exemple, des balises permettent de signaler le rôle d’un élément, comme l’importance d’un mot :

Le dernier mot de cette phrase est en <strong>important</strong>.

Cette dissociation entre le fond et la forme des documents est tellement puissante. Dans une administration qui produit des rapports (les administrations qui produisent des rapports, levez la main 🖐️), il est possible à partir d’un seul document de produire un rapport papier, un rapport internet et un rapport pour les archives. Si une modification du fond est nécessaire, la correction d’une faute d’orthographe par exemple, elle peut être répercutée sur toutes les différentes versions. Si une nouvelle charte graphique est mise en place, tous les anciens rapports peuvent être mis à jour très simplement.

Ce passage du papier à l’écran est un changement de paradigme, qui nous fait passer d’inertie par défaut, au mouvement par défaut. À nous maintenant de tout ré-imaginer pour utiliser au mieux les propriétés de métamorphose de l’écran.

Article publié à l’origine sur Medium.